nous sommes les icônes de haverleigh, dont le désir de vengeance pèse au-dessus de vos têtes.

Ivah était une femme accomplie. Elle avait un mari et un fils qu'elle aimait plus que tout au monde, une vie rangée, des amies fidèles et métier de couturière dans lequel elle excellait. Et puis il fallut que les Chasseurs se mêlent à la vie des habitants de Haverleigh et détruisent tout sur leur passage. A côté, elle pratiquait couramment la sorcellerie, avec un petit cercle d'amis, et se révélait d'ailleurs très puissante. Elle aimait ça, tellement, peut-être presque autant que sa famille. Et puis, elle fût condamnée. Traînée sur le bûcher. Où on la fit périr par les flammes, la laissant mourir dans d'atroces souffrances. Croyait-on. Mais ses cendres fûrent récupérées par un connaisseur, et dix ans plus tard, elle renaissait d'elle. Elle eût du mal à se réaccoutumer à la vie, mais quand elle y parvint, son goût pour celle-ci fût considérablement amplifié. Immédiatement, elle rechercha les siens, Haverleigh ayant été rayé de la carte. Quand elle les trouva, elle les observa évoluer sans s'en approcher. La voir apparaître devant eux en chair et en os ne serait qu'un choc, et ne serait pas forcément bienvenu : ils avaient probablement fait leur deuil d'elle, et l'ouverture d'esprit de l'époque, ce n'était pas franchement ça. Alors elle les observa vieillir et mourir, tandis qu'elle comprenait que désormais, elle était Eternelle, son visage ne prenant pas une seule ride. Elle se dirigea vers New York et fonda une grande entreprise de cosmétique, et créa même sa propre ligne de vêtements. Puis elle disparut une dizaine d'années, et on crut que c'était sa fille qui reprenait le flambeau en achetant les terres de Haverleigh et en y bâtissant une ville spectaculaire vers laquelle bon nombre accourait. Y compris le peu de personnes connaissant le passé de ce lieu qu'on n'avait plus foulé depuis des centaines d'années.

Son truc à elle, ce sont les sorts de beauté. Tout ce qui concerne le charme, la jeunesse, l'énergie, les régimes et le bien-être intérieur.

Atalante était jeune quand on la mena de force sur le bûcher. Entre les flammes, elle vit défiler sa vie qu'elle estimait déjà trop brève. Il y avait cette gamine qu'elle aimait tant, la dernière Clark, une fillette douce et pétillante de joie de vivre, sa soeur adorée, de dix ans sa cadette. Il y avait cette grande maison qu'ils possédaient, étant l'une des familles les plus riches des environs, ses robes de princesse qu'elle ne pourrait plus jamais remettre, et le jardinier qui lui faisait les yeux doux en bas de sa fenêtre. Au final, sa pratique de la magie, qu'elle aurait presque regretté, la récompensa grandement : elle acquit l'éternité afin de toujours pouvoir jouer sur ces terres. Mais ses désillusions fugaces, à son réveil dix ans plus tard, lui apportèrent un petit côté garce, dû à la rancune, qui après trois cents ans ne s'est toujours pas effacé. Elle ne retrouva jamais sa soeur, malgré tous les sorts dont elle usa afin que les déités lui viennent en aide, sans admettre pour autant l'idée qu'elle puisse être morte. Mais quand plusieurs années passèrent et qu'aucune trace d'elle ne se révélait, qu'elle était la seule à passer à la trappe de ses sortilèges de localisation, elle finit par se rendre à l'évidence. Ce fût alors une dure période qui commença pour elle. Car si les premières années avaient été amusantes, qu'elle en avait profité pour collectionner les savoirs, analyser l'être humain, endosser chaque jour des rôles différents, elle comprenait soudain que plus rien ne la rattachait sur cette terre, et que pourtant elle y était condamnée. Il n'y eût que David pour lui remettre les idées en place, et la sortir de cette dépression qui s'annonçait fatale. Et alors elle reprit de plus belle ses activités, à ses côtés, goûta les joies de la vie estudiantine, essaya toutes sortes de métiers plus plaisants les uns que les autres, se fondant toujours sous une nouvelle identité. Elle se répète souvent que, si elle était née durant cette époque où la folie règne, elle aurait pu être actrice, car sa facilité à s'adapter est flagrante, tout de même.

Elle est plus douée que personne dans les sorts de localisation, d'adaptation et de vérité.

La Nuit de la Purification. Celle-ci reste gravée dans sa mémoire. Elle revoit les larmes de sa fille à ses côtés, sa peau consumée peu à peu par les flammes qui l'emportaient. Elle entend encore ses hurlements, elle la voit encore suffoquer. Elle la sent encore se convulser. Et le regard de son mari, non loin lui aussi, rivé sur elle, comme si ses reproches la transperçaient. Ils étaient innocents. Elle aurait dû être la seule à payer. Au lieu de cela, elle a survécu, et eux ont péri. Elle eût énormément de mal à se faire à cette idée, en ressuscitant. Sans repère aucun, au milieu d'une foule lui paraissant hostile, personne ne fût présent afin de lui poser des limites, et elle devint dès lors un danger pour la société. Ses pensées se mirent à divaguer, ses idées à se tordre dans son crâne, son coeur tambourinant contre ses tempes. Sa vision était flouée, rougie par la haine et la rancoeur, et son désir de vengeance grossissait jour près jour. L'idée qu'on les ai tué lui était abominable. Et au fil du temps, sa peine s'adouçit, laissant place à l'égocentrisme : l'idée qu'on ait tenté de la tuer était condamnable. Comment avait-on pu oser éradiquer ces femmes tenant l'équilibre sur terre ? S'ils craignaient l'Enfer, alors elle le leur servirait. Ses actes furent durant toutes ces années d'une cruauté sans nom. Allant du simple sadisme, de la pure mesquinerie aux atrocités les moins acceptables. Mais elle n'en avait que faire, ses limites s'étaient assombries, disparaissant, rejetées au fin fond de son esprit. Seul David, aujourd'hui, son nouvel époux, immortel tout comme elle, parvient encore à les faire ressurgir, à faible intensité certes mais tout de même.

Personne n'exécute mieux qu'elle les sorts de vengeance.

Zephyr est sûrement des Eternelles la plus conservatrice. Elle n'est pas de celles ayant le plus souffert suite à la chasse aux sorcières subie à Haverleigh, mais celle qui a le plus de mal à assumer le monde qui s'offre à elle. L'immortalité n'est peut-être pas faite pour elle : elle a du mal à s'y habituer. La technologie, les moeurs des jeunes, la drogue, l'alcool, la mode... Tout cela lui passe au-dessus de la tête. Sa demeure est un château tombant presque en ruines, plein de vieux meubles dont l'âge est trahi par l'odeur du bois, elle éclaire encore à la lampe à huile, se déplace en chevaux pour les trajets courts et ses habits sont ceux d'une princesse déchue. Elle a réussi à se faire au chauffage et à l'eau chaude, & c'est déjà un exploit, à son humble avis. Pour ce qui est de son passé, il n'est pas des plus tendres : elle était née d'une relation hors mariage aussi sa mère fût-elle bannie de l'Eglise, et Zephyr vue comme une bâtarde. Elle eût beaucoup de mal à évoluer, et bientôt sa douleur se transforma en haine, jusqu'à ce que celle-ci ne la rende folle. Juste un peu fêlée, dirons-nous. Sa mère était sorcière elle aussi, et tomba entre les flammes de la Nuit de la Purification. mais si elle a été ressuscitée, alors Zephyr ne l'a pas encore retrouvée, elle qui entretenait un lien si fort avec cette femme damnée.

David. Autrefois, c'était un homme fervent, et droit. Chacun de ses gestes semblait guidé par Dieu. Tout lui souriait, tous ses actes étaient bénis, ses actions remplies de succès. Il rencontra l'amour et l'épousa peu de temps après, et leurs années de mariage furent surmontées d'un bonheur rare. Il rêvait d'avoir des enfants, mais sa femme était stérile. Ce fût sûrement la première encoche sur ce tableau lisse que l'on dressait de lui. En réalité, malgré sa présence régulière au sein de l'église, il ne devait en rien sa réussite à Dieu. La sorcellerie agissait et faisait jouer les astres en sa faveur. Quand il fût accusé de sorcellerie, tout le monde s'en étonna, bien que l'ambiance soit à la méfiance. Cet homme croyant, que l'on voyait prier sans cesse, dont les conseils étaient si pleins d'esprit... Et pourtant, c'était bien le cas : il était sorcier, et avait réussi à berner tout le monde sauf les chasseurs - qui pour une fois ne se plantaient pas. Mais ils condamnèrent également sa femme sur le feu, et il ne le leur pardonna jamais cela, à elle, si naïve et innocente, pure et aimante. Depuis, il s'est juré de tuer chaque Chasseur apparaissant sur ces terres, et il ne trouvera pas de repos avant de les avoir exterminé.
Il a fait monter sa fortune en plaçant en bourse. Il est vraiment très doué pour cela.